Avec le réchauffement climatique et les évolutions nécessaires à envisager pour le maîtriser, la culture et la consommation des fabacées (anciennes légumineuses) devient un réel enjeu pour le potager et l’alimentation humaine. Les plantes de cette famille ont des caractéristiques culturales qui les rend particulièrement bénéfiques au jardin. Et dans une alimentation équilibrée, elles peuvent se substituer partiellement à la viande comme source de protéines. Elles sont aussi riches en fibres.
(Dans la suite de cet article on utilisera indifféremment les deux termes de fabacée et légumineuse.)
Intérêt cultural des fabacées au potager
Rôle des fabacées
Les fabacées, grâce à leur diversité et à leur capacité à améliorer la fertilité du sol, constituent des cultures polyvalentes et bénéfiques pour les potagers familiaux, contribuant ainsi à une approche durable de la production alimentaire. Elles permettent :
-
d’enrichir le sol en azote à partir du diazote de l’air – Les légumineuses en captant l’azote de l’air, enrichissent le sol en azote. La symbiose rhizobienne a pour effet de capter le diazote de l’air grâce aux bactéries hébergées dans les nodosités présentes sur les racines des plantes.
- de limiter le lessivage de l’azote du sol – Les légumineuses captent l’azote issu de la minéralisation de la matière organique et l’azote nitrique laissé par les cultures précédentes. L’azote capté est source de développement pour la plante et limite le lessivage de l’azote du sol.
- de structurer le sol – Outre l’effet structurant des racines, l’activité bactérienne autour des racines des légumineuses favorise la diversité microbienne des sols et stimule l’activité biologique responsable de la structuration du sol.
- de casser le cycle des ravageurs et des adventices – Intégrer de nouvelles espèces dans les rotations entraine la réduction de la pression des ravageurs et des adventices. En ayant des dates de semis différentes, un système racinaire différent, les adventices ne sont pas stimulées de la même manière et la levée de dormance des graines non désirées est amoindrie. De plus, certaines plantes ne fournissent pas la même alimentation ou le même gîte aux ravageurs, ainsi ils se trouvent contraints de trouver un autre environnement plus favorable.
- de limiter les émissions de NO2 : Le protoxyde d’azote est produit par les micro-organismes dans les sols par dénitrification (réduction du nitrate NO3- en diazote N2) et nitrification (transformation de l’ammoniac NH4+ en nitrate) et est donc issu en partie de la fertilisation azotée. Intégrer des légumineuses dans les rotations entraine la captation de l’azote de l’air et donc la réduction de la fertilisation azotée. Par ce biais, les légumineuses permettent de limiter les émissions de protoxyde d’azote.
- de faire des économies d’eau – Les légumineuses ont besoin de moins d’eau que les autres cultures pour se développer.
- de dépolluer les sols – Le chanvre indien (Crotalaria juncea), grâce à ses propriétés physiologiques, est utilisé pour mettre en œuvre un des mécanismes de dépollution du sol : la phytoremédiation. Il est capable de dépolluer un sol riche en cuivre.
Les fabacées au potager en pratique
La culture des fabacées au potager ne présente pas de difficultés particulières. Elle permet de profiter des avantages décrits précédemment.
- Utilisation comme engrais verts – En culture décalée, les légumineuses permettent de limiter les pertes d’azote, de structurer le sol et de limiter le développement des herbes indésirables. On peut utiliser des trèfles, comme le trèfle incarnat, éventuellement associé à une céréale comme le seigle, qui va renforcer le rôle de structuration du sol. A noter qu’il ne faut pas arracher les racines des fabacées, l’azote étant piégé dans les nodules bactériens situés sur les racines et libéré progressivement lors de la décomposition de celles-ci.
- Intégration dans la rotation des cultures – Les légumineuses précèdent les légumes gourmands en azote, comme les légumes fruits (tomates, aubergines, poivrons) et cassent le cycle des maladies ou des ravageurs.
- Association avec d’autres légumes – L’association de fabacées à d’autres légumes permet de faire bénéficier ces derniers de leurs bienfaits :
- Favorisent l’utilisation de l’azote : la tomate est une plante gourmande qui va rapidement puiser l’azote minéral du sol et obliger ainsi la légumineuse associée à exprimer son plein potentiel de fixation symbiotique pour subvenir à ses besoins en azote
- Complexifient la structure du couvert. L’association augmente la diversité botanique et peut ainsi induire une confusion aussi bien visuelle qu’olfactive chez certains ravageurs.
- Coupent la lumière aux adventices. Grâce aux associations de plantes, le sol est quasiment entièrement recouvert par les cultures. La ressource lumineuse étant limitée, le développement des adventices est réduit.
- Favorisent la biodiversité : Les fleurs des fabacées attirent de nombreux pollinisateurs, ce qui contribue à soutenir la biodiversité dans le potager familial. De plus, les résidus des plantes de légumineuses peuvent être laissés sur le sol ou compostés pour fournir de la matière organique aux organismes du sol.
- Favorisent le développement des champignons .Certaines légumineuses, le trèfle par exemple, sont dites mycorhizotrophes. Elles ont une affinité particulière avec les champignons mycorhiziens naturellement présents dans les sols., dont les mycéliums iront ensuite coloniser les pieds de tomates notamment.
Un exemple emblématique d’association : la milpa
Milpa ou les 3 sœurs : La milpa est certainement l’association de cultures la plus connue faisant intervenir une légumineuse. Elle est pratiquée en Amérique centrale, en Amérique du sud, mais aussi en Chine. Il s’agit de l’association entre un maïs (servant de tuteur), un haricot grimpant (fabacée pourvoyeuse d’azote) et une courge (couvrant le sol grâce à son large feuillage et limitant l’évaporation).
Quelles fabacées cultiver au jardin
La famille des fabacées est très diversifiée. Une faible proportion des espèces disponible est traditionnellement cultivée, mais beaucoup d’autres plantes de cette famille peuvent être cultivées dans nos potagers familiaux. L’inventaire ci-après n’est pas forcément exhaustif, mais on y trouvera déjà quelques légumes intéressants à cultiver.
Les classiques
Ce sont les fabacées traditionnellement cultivées dans nos potagers.
- Le haricots (Phaseolus vulgaris) : Les haricots verts , jaunes, ou en grain sont parmi les légumes les plus populaires cultivés dans un jardin familial. Ils sont faciles à cultiver et offrent une récolte abondante de gousses vertes tendres ou de grains frais ou secs. Certaines variétés sont perpétuelles grâce à leurs racines charnues (Orteil du prêcheur)
- Le pois (Pisum sativum) : Les pois sont une autre option populaire. Ils sont appréciés pour leur goût sucré et leur texture croquante. Les variétés naines sont idéales pour les petits espaces. On peut en consommer les gousses (pois gourmands), les graines fraîches (petits pois) ou sèches (pois cassés).
- La fève (Vicia faba) : Les fèves sont des légumineuses robustes et faciles à cultiver. Elles produisent de grandes gousses contenant de gros grains qui peuvent être consommés jeunes crus al dente, frais ou sec cuisinés (voir le dossier).
Les oubliées
Cultivées autrefois, ces fabacées sont plus ou moins délaissées.
- Le pois chiche (Cicer arietinum) : Les pois chiches sont une légumineuse polyvalente et nutritive, largement utilisée dans la cuisine méditerranéenne et du Moyen-Orient. Ils sont relativement faciles à cultiver dans des conditions chaudes et sèches.
- Le pois asperge ou lotier pourpre (Tetragonolobus purpureus) : autrefois cultivé dans les pays de l’est et dans le sud de la France. On consomme ses gousses jeunes comme des pois gourmands. La plante est peu productive, mais très décorative grâce à ses fleurs pourpres et ses gousses au goût d’asperge sont délicieuses (voir l’article).
- La lentille (Lens culinaris) : Les lentilles sont riches en protéines, en fibres et en minéraux. Elles peuvent être cultivées dans les climats tempérés et sont faciles à intégrer dans de nombreux plats. Elles se cuisines en général sous forme de grains secs. Les lentilles ont l’avantage comparées aux autres légumineuses d’avoir un temps de cuisson plus court et de ne pas nécessiter d’un trempage obligatoire. Elles sont peu cultivées dans un potager familial du fait des difficultés liées à sa récolte plutôt laborieuse (graines de petite taille, maturation échelonnée).
Les tubéreuses
Ce sont des variétés particulières de fabacées dont on consomme principalement les tubercules.
- La gesse tubéreuse (Lathyrus tuberosus) : fabacée vivace qui se propage par les stolons. Produit des petits tubercules au goût très fin
- Le jicama (Pachyrhizus erosus) : cette fabacée est très particulière, elle fait des gousses et de graines comme toutes les fabacées, mais celles-ci sont toxiques, et c’est le tubercule en forme de grosse toupie que l’on consomme.
- La glycine tubéreuse (Apios americana) : comme pour le jicama, on consomme ses tubercules, mais aussi ses haricots, qui sont comestibles. Abandonné du fait de la longueur de son cycle végétatif pour produire ses haricots, la culture de cette fabacée retrouve un regain d’intérêt du fait de la qualité gustative de ses tubercules.
Les oléagineuses
Elles sont riches en lipides.
- Le soja (Glycine max) : Le soja est une légumineuse importante dans de nombreuses cultures alimentaires, en particulier en Asie. Au potager chez nous, il se cultive pour la consommation des gousses et graines vertes (soja edamame). Pour le semis, on peut utiliser des graines de soja destinées à la consommation achetées en magasin bio, bien moins chères que celles proposées par les jardineries (voir l’article).
- L’arachide (Arachis hypogaea) : Les arachides sont cultivées pour leurs graines riches en matières grasses et en protéines, qui sont consommées en général grillées. Elles nécessitent de la chaleur et du soleil pour prospérer.
Les exotiques
Elles sont cultivées quelque part dans le monde et peuvent être plus ou moins facilement acclimatées chez nous. Les semences sont toutefois difficiles à trouver pour quelques unes d’entre elles. On peut se les procurer sur internet auprès de commerçants de semences de plantes exotique (MagicGardenSeed, GardenSeedMarquet), sur Ebay ou Amazon.
- Le haricot Azuki (Vigna angularis) : Les azukis sont des légumineuses type haricot rouge rouges couramment utilisées dans la
cuisine asiatique, en particulier dans les desserts et les plats sucrés. Comme pour le soja, on peut acheter les graines en magasin bio.
- Le haricot mungo (Vigna radiata) : Le haricot mungo est une légumineuse originaire d’Asie. Introduit en France suite à la montée de l’intérêt général pour la cuisine exotique, sa culture a été adaptée à nos environnements. On récolte ses graines et consomme en général les pousses (appelées faussement pousses de soja, qui elles sont toxiques) issue de leur germination.
- La dolique asperge (Vigna unguiculata) ou haricot kilomètre : c’est une plante grimpante donnant des gousses de grande longueur, pouvant atteindre voire dépasser 30cm. S’utilise comme le haricot vert ou dans les plats asiatiques. Culture très facile sur 3 bambous de 2m réunis en trépied ou sur un grillage.
- La cornille ou dolique à oeil noir (Vigna unguiculata) variété de dolique à oeil noir. Fabacée très résistante à la sècheresse, peu exigeante sur l’exposition.
- Le fenugrec (Foenum graecum) : originaire du Moyen-orien, cette fabacée est facile à cultiver. Le fenugrec est utilisé en cuisine en feuilles fraîches, le plus souvent comme légume complémentaire du légume principal. Il peut être utilisé après avoir fait sécher ses feuilles, utilisées broyées sous forme de condiment au goût prononcé. Ses graines broyées sont aussi utilisées comme condiment.
- Le haricot (ou pois) sabre (Canavalia gladiata) : D’une taille impressionnante, ce haricot tropical se cultive facilement en France. C’est une des légumineuses les plus endurantes. Cette fabacée produit des gousses vertes en forme de sabre pouvant atteindre
jusqu’à 40-50 cm de long qui contiennent une quinzaine de haricots. Ses gousses vertes et ses graines immatures sont consommées comme légumes cuits.
- Le haricot ailé ou haricot dragon (Psophocarpus tetragonolobus) : une fabacée tropicale grimpante où tout se mange, les gousses, les graines, les feuilles et les racines. Les gousses ailées se préparent comme les haricots verts et elles ont un goût d’asperge
- Le haricot de Kulthy (Macrotyloma uniflorum ) : Le haricot de kulthi est la fabacée la plus riche en protéines de la planète et il a
une très haute valeur énergétique. C’est une plante très robuste, résistante à la sècheresse et qui pousse très bien à l’ombre. - Le haricot d’Espagne (Phaseolus coccineus) : cultivé principalement comme plante décorative pour ses grappes de fleurs, les gousses de cette fabacées sont consommables jeunes comme des haricots mangetout. Les graines de certaines variétés (‘Cahot’, ‘Corona’…) sont réputées pour leurs qualités gustatives. Bien que cultivé comme une plante annuelle en France, il s’agit d’une vivace à la racine tubéreuse dont il est donc possible de conserver les plants d’une année sur l’autre.
- Le haricot (ou fève) de Lima (Phaseolus lunatus) : originaire d’Amérique centrale et du sud. Vivace dans sa zone d’origine, il est
cultivé en annuelle sous nos climats. Il exige des étés longs et chaud pour parvenir à maturité. Cette fabacée, résistante à la sècheresse, développe un système racinaire imposant. On consomme ses graines fraiches, à la saveur très agréable et à la texture crémeuse. Les graines sèches des variétés autres qu’à grains blancs sont toxiques et nécessitent une cuisson longue.
- Le haricot riz (Vigna umbellata) : fabacée naine à cycle court peu exigeante en nutriments mais qui demande chaleur et lumière. Ressemble au haricot Azuki et se consomme de la même manière. Ses qualités nutritionnelles sont exceptionnelles et elles en font une plante de choix pour lutter contre les carences nutritionnelles dans les pays en voie de développement
- Le pois antaque ou dolique d’Egypte (Lablab lunatus) : fabacée grimpante annuelle à croissance rapide qui produit des fleurs très aromatiques et de belles gousses décoratives aux graines violettes. Toutes les parties de la plante se consomment, mais les graines sèches sont toxique et doivent être cuites longuement.
- Le pois bambara ou pois de terre (Vigna subterranea) est une légumineuse herbacée, originaire d’Afrique occidentale, cultivée pour ses graines qui se récoltent sous terre à l’instar des arachides.
- La réglisse romaine (Glycyrrhiza echinata) : fabacée vivace pouvant atteindre jusqu’à 2 mètres de hauteur. Ce sont les racines de la plante qui sont notamment utilisées à des fins médicinales, mais aussi pour son arôme dans la fabrication de confiserie et bonbons à la réglisse. Au jardin, outre son apport d’azote, elle constitue aussi le gîte d’insectes auxiliaires tel que les chrysopes.
Avant de choisir quelles fabacées cultiver, assurez-vousde prendre en compte les conditions de croissance de la région, y compris le climat, le sol et l’ensoleillement. Certaines variétés peuvent être mieux adaptées à son environnement local que d’autres. Certaines de ces fabacées vont faire l’objet d’essais de culture au jardin de l’association Héliantis Humanis.
Les fabacées à la cuisine