L’association Héliantis Humanis a réalisé au cours de l’été 2024 une expérimentation visant à tester l’efficacité de différents produits naturels pour prévenir le mildiou : bicarbonate de sodium, chitosan, lécithine de tournesol, purin de prêle, purin de prêle additionné de bicarbonate de sodium, purin d’ortie, les purins ayant été fabriqués par l’association.
Résumé
L’absence d’attaque de mildiou au cours de la saison n’a permis de mesurer l’efficacité des produits utilisés qu’en fin de saison après un épisode pluvieux qui a provoqué une attaque massive du champignon. Le bicarbonate de sodium a été le produit le plus efficace pour le contrôle du mildiou, mais il a pu provoquer un léger effet dépressif sur la production. Le purin d’ortie a été un peu moins efficace, mais a semble-t-il stimulé la production. La lécithine de tournesol a été le 2ème produit le plus efficace, alors que le chitosan s’est révélé décevant. L’expérimentation n’a pas pu mettre en évidence si l’effet protecteur des produits utilisés étaient due à leurs propriétés antifongiques ou à leur participation au maintien de conditions favorables pour la croissance des plantes et la production.
Protocole expérimental
L’expérimentation a porté sur 3 réplicats de 2 plants par traitement (dont un témoins non traité) répartis au hasard sur une parcelle des Jardins du Coeur de Bergerac. La plantation des plants de tomates issus d’une même variété et produits simultanément dans les mêmes conditions est intervenue assez tardivement le 25 mai et l’expérimentation s’est terminée le 5 octobre.
Les traitements ont été effectués tous les 10 jours, alternativement le mercredi et le samedi, par pulvérisation foliaire aux doses de :
- Chitosan (Ch) : 50ml/l
- Lécithine de tournesol (Le): 2g/l
- Bicarbonate de sodium (Bi) : 15 (2 traitements) puis 10g/l
- Purin de prêle (Pr) : 200ml/l
- Purin de prêle + bicarbonate de sodium (Pb) : Prêle 200ml/l, bicarbonate de sodium 15 (2 traitements) puis 10g/l
- Purin d’ortie (Po) : 200 ml/l
(voir l’article sur l’utilisation de produits alternatifs pour prévenir le mildiou de la tomate)
Chaque traitement a demandé entre 500ml en début de croissance à 1l de produit de traitement préparé aux doses ci-dessus.
Les traitements ont été décalés en cas de pluie.
Les données relevées ont été :
- la présence de mildiou, par notation par plant des atteintes (de 0, pas de mildiou et 10 forte atteinte de mildiou touchant la totalité de l’organe), chaque notation portant sur les feuilles, les tiges et les fruits : 3 fois sur la saison de croissance, dont une fois en fin de production le 5 octobre.
- La production de tomates par plant (en nombre et en kg) relevée une fois par semaine
- Le poids moyen des tomates.
Résultats
Nous n’avons pas observé d’attaque significative de mildiou sur quasiment toute la période de croissance, sauf à partir de la 2ème quinzaine de septembre au cours de laquelle les conditions climatiques se sont détériorées et ont empêché les traitements. Le mildiou a alors atteint tous les plants à des degrés divers.
L’évaluation de l’intensité des attaques a été effectuée le 5 octobre.
Les analyses statistiques suivantes ont été effectuées sur les résultats observés :
- analyse de variance (ANOVA) au seuil de signification de 5%
- comparaison des moyennes par le test de TUKEY, au seuil de signification de 5%
Ces analyses ont été effectuées grâce aux bibliothèques statistiques de Python via un code proposé par ChatGPT.
Production
La production (graphique 1) a été moyenne (500 g à 2 kg par plant), donc relativement faible compte tenu :
- de la date avancée de plantation
- du caractère tardif de la variété utilisée
- du poids moyen des fruits récoltés (150 g en moyenne)
- d’une fin de saison précoce.
Lors de l’arrêt de l’expérimentation le 5 octobre, il restait sur les plants une quantité non négligeable de tomates vertes qui n’ont pas été comptabilisées.
L’ANOVA n’a pas mis en évidence de différence significative entre les différents traitements pour ce résultat.
Poids moyen des fruits
Il a varié de 100 à 250g suivant les plants (Graphique 2).
L’ANOVA n’a pas mis en évidence de différence significative entre les différents traitements pour ce résultat.
Atteinte de mildiou
L’analyse n’a porté que sur les évaluations du 5 octobre. Elle a été effectuée sur la somme des atteintes par le mildiou mesurées sur feuille, tige et fruit (Graphique 3)
L’ANOVA a mis en évidence une différence significative entre les différents traitements pour ce résultat.
Le test de Tukey a permis de mesurer les différences entre traitements : tous les traitements donnent des atteintes de mildiou moins importantes que pour le témoin, mais dans des proportions très variables (en caractère gras : statistiquement significatif) :
- Bicarbonate(Bi) : 48% de réduction par rapport au témoin
- Lécithine (Le): 36%
- Prêle + bicarbonate (Pb): 28%
- Ortie (Or) 26%
- Prêle (Pr) : 15%
- Chitosan (Ch) : 14%.
Le test a également mis en évidence des différences significatives entre le bicarbonate et le purin d’ortie, le bicarbonate et le purin de prêle, le chitosan et la lécithine.
Remarque : dans le graphique 3, plus la note est élevée plus les plants ont été atteints par le mildiou, l’atteinte d’un plant entier étant noté 30.
Discussion
Effet sur la production
Les données de production (poids récolté par plant) étant très hétérogènes, aucun effet significatif des traitements sur la production n’a pu être mis en évidence, alors que les moyennes par traitement le laisseraient penser. La confirmation d’un certain effet peut être assurée en considérant le nombre de plants qui ont eu une production supérieure à la moyenne dans chaque traitement :
- Témoin, chitosan, bicarbonate, prêle +bicarbonate : 2
- Lécithine : 3
- Ortie : 4
Le purin d’ortie semble avoir eu une effet stimulant sur la croissance, alors que le bicarbonate semble lui avoir eu un effet légèrement dépressif par rapport au témoin. Effectivement les plants traités au bicarbonate ou au mélange prêle + bicarbonate ont été un peu malmenés par les 2 1er traitements à 15 g par litre (extrémité des feuilles brûlée), phénomène qui ne s’est pas manifesté sur les nouvelles feuilles lorsque la dose a été ramenée à 10g/l. L’effet dépressif est peut être lié à l’altération, au même titre que les feuilles, des premières fleurs, ce qui expliquerait une production moindre avec des fruits plus gros. Le purin d’ortie aurait lui stimulé la production en augmentant le poids moyen des fruits. Cet effet stimulant du purin d’ortie sur la croissance et la santé des tomates est habituellement reconnu.
Effet sur la protection contre le mildiou
Faute d’attaque de mildiou au cours de la saison, un effet bénéfique de la plupart des traitements n’a pu être noté qu’en fin de saison, après un épisode de pluie. Bien que significatif, cet effet n’a rien apporté sur la production.
Bicarbonate de sodium – L’efficacité du bicarbonate est indéniable, mais difficile à interpréter d’autant que, mélangé à la prêle, il s’est révélé moins efficace.
Lécithine – La lécithine est le 2ème produit de traitement le plus efficace, tant pour la prévention du mildiou que pour la production.
Purin d’ortie – le purin d’ortie a été également assez efficace, certainement grâce à l’effet stimulant noté à partir des données de production, mais peut-être pas par un éventuel effet antifongique.
Purin de prêle – le purin de prêle seul a un effet assez faible, cependant doublé par l’association au bicarbonate.
Chitosan – Le chitosan est le moins performant de tous les produits utilisés, et ce malgré ce que peut en dire les publications consultées, bien sûr sous réserve des conditions dans lesquelles a été menée cette expérimentation.
Conclusion sur la prévention du mildiou
L’absence d’attaque de mildiou au cours de l’expérimentation (témoin non atteint) ne permet pas de tirer des conclusions définitives sur l’efficacité de protection anti-fongique des produits utilisés. Certains ont toutefois prouvé leur efficacité lors d’une attaque massive du champignon, sans qu’il soit réellement possible de déterminer s’il s’agit de l’effet résultant de l’amélioration globale de la santé des plantes ou de leurs propriétés antifongiques propres. Cette expérimentation a toutefois montré, grâce au purin d’ortie, que le maintien en bonne santé des plantes joue un rôle indéniable sur leur production et leur résistance aux maladies.
Concernant la poursuite des expérimentations sur la tomate, la variabilité observée entre les plants soumis à un même traitement nécessite d’utiliser plus de plants par traitement pour pouvoir observer des différences statistiquement significatives.
Bonjour
Le travail sur l expérience des divers produits utilisés est remarquable.
Cela me conforme dans les expériences à venir et notamment sur la couverture du sol.
Bravo et merci pour ce remarquable sujet.
Est-ce que le bicarbonate mélangé au purin de consoude ne serait pas meilleur que celui à l’ortie?
Comme tu dis dans le paragraphe sur la protection du mildiou, le purin d’ortie a favorisé la santé des tomates mais pas forcément le grossissement des fruits comme l’aurait fait le purin de consoude.
On pourrait effectivement tester différents extraits de plantes. La consoude apporte de la potasse qui favorise la floraison et la fructification.